Épisode 2 : 3 100 pieds, un moteur qui tousse, et une décision à 120 km/h

LE BRUIT, PUIS LE SILENCE

Dans l’épisode précédent, je vous avais laissé à 3 100 pieds, avec un moteur qui venait de perdre 30 % de sa puissance d’un coup. « BOOM. 1 000 tours en moins. » Pas de panique. Juste une concentration absolue.

«120 km/h. 3 100 pieds. Terrain à 5 minutes. En cas d’arrêt total, je ne fais pas le terrain.»

Cette phrase, je me la répète en boucle. Pas comme une prière. Comme une équation.

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THE NOISE, THEN THE SILENCE

In the last episode, I left you at 3,100 feet, with an engine that had just lost 30% of its power in an instant. « BOOM. 1,000 RPM gone. » No panic. Just absolute focus.

« 120 km/h. 3,100 feet. Five minutes to the airfield. If this engine quits completely, I won’t make it. » I repeat this to myself like a mantra. Not a prayer. An equation.


LE VIRAGE QUI CHANGE TOUT

Dès la perte de puissance, j’ai déjà vérifié pression et température d’huile trois fois. Tout est stable. Pour l’instant. Si la pression chute ou si la température s’emballe, je devrai reprendre de l’altitude immédiatement pour gagner quelques secondes. Quelques secondes qui feront la différence entre un champ et une ligne à haute tension.

Je me rapproche du terrain, tout en scannant les options :

  • Un champ à gauche, trop petit.
  • Une piste ULM, mais avec des arbres en approche.
  • Une route droite, mais des voitures.
  • L’aérodrome, encore loin. Trop loin ?

« On rentre. » Mon père ne répond pas. Il n’a pas besoin de le faire. Il sait que si je parle, c’est que j’ai un plan.

Trente secondes se sont écoulées depuis le BOOM. Je me mets en virage pour prendre le cap du retour. Mon esprit est ailleurs : calculs, paramètres, trajectoire. Un stress léger, celui qui aiguise les sens. « Si je perds mes moyens maintenant, nos chances chutent. »

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THE TURN THAT CHANGES EVERYTHING

The moment the power drops, I’ve already checked the oil pressure and temperature three times. Everything is stable.For now. If the pressure plummets or the temperature spikes, I’ll have to climb immediately—just to buy a few seconds. Seconds that could mean the difference between a field and a high-voltage power line.

I scan the options as I edge closer to the ground:

  • A field to the left—too small.
  • A field to the right—could be.
  • A microlight strip—but trees line the approach.
  • A straight road—but there are cars.
  • The aerodrome—still too farToo far?

« We’re going back. » My father doesn’t answer. He doesn’t need to. He knows if I’m speaking, it’s because I have a plan.

Thirty seconds have passed since the BOOM. I bank into a turn, setting a course for home. My mind is elsewhere—calculations, parameters, trajectory. A sharp, focused stress, the kind that hones your senses. « If I lose it now, our odds drop to zero. »


L’APPEL RADIO QUI RESTE SANS REPONSE

« Lunéville de Fox-Zulu-Uniform, à 5 minutes au sud du terrain, 3 000 pieds. Panne moteur, je rappelle en base 07 main droite, je prends la priorité pour atterrir. »

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« Lunéville Tower, Fox-Zulu-Uniform, 5 miles south of the airfield, 3,000 feet. Engine failure, returning to base Runway 07 right circuit, requesting priority to land. »

Silence radio.

Personne dans le circuit. Tant mieux. Moins de risques de collision, mais personne pour me guider non plus. Je reste en alerte : l’espace est en 3D, et un planeur ou un ULM pourrait surgir n’importe où.

Une minute s’écoule. Les paramètres tiennent. Mais le terrain s’approche trop lentement, et l’avion blessé ne dépasse pas 120 km/h.

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Radio silence. 

No one in the circuit. Good. Fewer collision risks, but no one to guide me either. I stay sharp: the sky is 3D, and a glider or microlight could appear out of nowhere.

A minute passes. The parameters hold steady. But the airfield creeps closer too slowly, and the wounded plane won’t push past 120 km/h.


LA DESCENTE, MINUTE PAR MINUTE

Je jongle entre :

  • La vitesse (120 km/h, stable).
  • L’altitude (3 000 pieds… 2 900… 2 800…).
  • Les paramètres moteur (toujours stables. Pourquoi ?).
  • L’extérieur : quel champ ? Quelle route ? La ville et ses obstacles approchent.

Mon père ne dit rien. Il n’a pas besoin de le faire.

Je m’annonce en base droite. Trop haut. Un sentiment étrange m’envahit : « Je ne peux pas rater cette approche. »Pourtant, je rate rarement mes approches. C’est la pression que je me mets tout seul. Une pression utile.

Je n’ai plus la possibilité de remettre les gaz.

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THE DESCENT, MINUTE BY MINUTE

I’m juggling: 

  • Speed (120 km/h, steady). 
  • Altitude (3,000 feet… 2,900… 2,800…). 
  • Engine parameters (still stable. Why?). 
  • The world outside: Which field? Which road? The town and its obstacles are closing in.

My father says nothing. He doesn’t need to.

I call my position on the right base leg. Too high. A strange feeling washes over me: « I can’t mess this approach up. » But I rarely mess up approaches. It’s the pressure I put on myself. Useful pressure.

There’s no option to go around.


LE MOTEUR S’ARRETE

Silence.

Deux options. Non, trois si on compte « ne rien faire » (ce qui revient à choisir la catastrophe) :

  1. Une approche en S : allonger la distance pour perdre de l’altitude progressivement.
  2. Une glissade : perdre de l’altitude rapidement, mais risquée si mal exécutée.
  3. Ne rien faire → Non.

Je privilégie l’option 1. La glissade, je la garde en réserve. Ma « currency » (mon expérience récente) n’est pas assez fraîche pour maîtriser cette technique en urgence.

Action :

  • Virage à gauche à presque 90°, quelques secondes.
  • Virage à droite pour retrouver l’axe de la piste.
  • Toujours trop haut → Je sors tous les volets.
  • Je dépasse légèrement l’axe, puis un dernier virage léger à gauche pour m’aligner.
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Three options. No—two, if you don’t count « doing nothing » (which is just choosing disaster):

  1. An S-turn approach: Extend the distance to lose altitude gradually.
  2. A forward slip: Lose altitude fast, but risky if botched. Doing nothing? No.

I go with Option 1. The slip is my backup. My « currency »—recent experience—isn’t fresh enough to nail that technique in an emergency.

Action:

  • Sharp left turn, almost 90°, for a few seconds.
  • Right turn to realign with the runway.
  • Still too high—I dump all the flaps.
  • I overshoot the centerline slightly, then a final gentle left turn to line up.

Enfin dans le plan. Mon intuition et mes automatismes ont fait le job. Sans glissade.


ATTERRISSAGE. MOTEUR ARRETE. ET APRES?

Je me pose en plané, moteur coupé. Un soulagement immense, mais de courte durée.

Je redémarre le moteur. Un bruit de ferraille. La puissance est là, mais réduite. Assez pour traîner l’appareil jusqu’au hangar, comme un cheval blessé.

Un texto à Philippe. Il me rappellera plus tard.

Avec mon père et un ami mécano, on ouvre le capot :

  • Pas d’huile qui fuit.
  • Rien de visible.
  • Mais… En brassant l’hélice, on sent qu’une compression manque sur les quatre.

À VOUS DE JOUER. QUELLE PANNE?

Dites-le en commentaire :

  • Soupape bloquée ?
  • Bielle cassée ?
  • Problème de compression ?
  • Autre hypothèse ?

(La réponse dans l’épisode 3…)

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Finally on glidepath. My instincts and muscle memory pulled it off—no slip needed.

LANDING. ENGINE DEAD. AND THEN?

I touch down in a glide, engine off. Immense relief, but it’s short-lived.

I restart the engine. A grinding metallic noise. Power returns—but weak. Just enough to limp the plane to the hangar like a wounded horse.

A quick text to Philippe. He’ll call back later.

With my father and a mechanic friend, we pop the hood:

  • No oil leaks.
  • Nothing obvious.
  • But… when we turn the prop by hand, one of the four cylinders lacks compression.

YOUR TURN. WHAT’S THE FAILURE? 

Drop your guess in the comments:

  • Stuck valve?
  • Broken connecting rod?
  • Compression issue?
  • Something else?

(The answer in Episode 3…)

Une réflexion au sujet de « Épisode 2 : 3 100 pieds, un moteur qui tousse, et une décision à 120 km/h »

  1. « On sent qu’une compression manque sur les quatre », je dirais que le plus probable est une soupape bloquée ouverte (ressort de rappel cassé ou tige bloquée dans le guide). La bielle rompue, c’est possible, mais c’est rare et ça fait des bruits/frottements supplémentaires. Idem pour un arbre à cames pété, ça peut arriver mais vu les faibles contraintes qu’il supporte c’est très rare.

    Il peut y avoir une culasse fendue aussi, mais en général il reste une compression même si nettement plus faible (il faut un très gros trou pour que l’air s’évade sans résistance).

    Et bravo pour la PTS, elle est très jolie, on la voit bien. Du coup t’as touché au seuil ou un peu plus loin ? (Perso je pense que le jour où j’ai ce genre de truc, si mon point d’aboutissement laisse plus de 300 m avant le seuil opposé, je laisse filer. Oh, et faut faire du Velis, il adore la glissade, ça aide à prendre confiance. 😉 )

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