Le moteur diesel 1,4l ronronne tranquillement. L’appareil caresse la couche d’air glacial dans cette belle matinée de janvier. Le chauffage et nos pulls nous protègent tant bien que mal.
« F(ox)-R(oméo)L(ima) de Orange, transite et vertical FL85 approuvé»
« Transite et vertical FL85 approuvé, F(ox)-R(oméo)L(ima)».
J’ouvrais ma porte. Une lumière intense s’infiltra. Le ciel était d’un bleu azur et une joie immense se lisait sur mon visage. Il était 10h00 du matin et je m’apprêtais à prendre ma voiture comme tous les samedi, pour aller à mon aéro-club favoris.
Vertical Orange : la fameuse base aérienne. Le paysage est captivant. Nous devinons les installations militaires et des Mirages sur le taxiway. C’est tout simplement magnifique.
Tous mes amis étaient présents. Il fallait dire que ce n’était pas n’importe quel jour. La veille j’y avais déposé mon appareil : un Gaz’aile 2 fait avec amour et passion. Tous voulaient le voir, comme tous pilotes devant des nouveautés. Quelques échanges dans le club house jusqu’à ce qu’un ami me dise : « hey avec cette météo, tu devrais aller à Cannes avec ta nouvelle machine. Rien de tel pour un vol inaugural ! ».
En réalité, ce n’était pas un vol inaugurale. Je n’avais pas eu ce plaisir. Pour sa certification, les vols d’essais devaient être fait par un pilote plus expérimenté… Quel dommage, je voulais tant être le premier à voler sur cette machine, construite avec patience et persévérance. Mais qu’importe, je serai tout de même le premier en tant que pilote dans un but d’exploitation:).
Il fait toujours aussi froid. L’avion n’a pas une vitesse air très élevée mais sa vitesse sol est conséquente. Avec mon ami, on remarque que les prévisions météo annoncent un vent favorable plus fort à une altitude un peu plus élevé. On décide de monter au niveau d’au dessus. Je saisie la manette de gaz. Son embout en acajou impose une note de sensualité. Je la pousse avec délicatesse de quelques millimètre tout en accompagnant celui ci par une action délicate sur le manche. L’avion très sensible répond immédiatement. Nous voici en monté…
L’avion se trouvait en face du club house.. « Etoiles », est son petit nom, car chaque fois qu’une personne le regarde, on y peut voir des étoiles dans ses yeux: et quelle récompense ! Cela faisait depuis un temps infiniment long que je travaillais à sa construction. De la sueur y fut passée, de la douleur et des heures de sommeil.
J’avançais vers l’engin d’un pas hésitant et respectueux. Ancré dans le sol telle la bête fière et imposante. Ses lignes pures et racées résultaient de sa puissance toute neuve. Il brillait ! Sa prestance accentuée par un soleil aux couleurs rougeâtres. Enfin on imaginait, car il était déjà 10h00.
« Nice TMA de F(ox)-P(apa)I(ndia)R(oméo)L(ima), Gaz’aile II, deux personnes à bord, provenance Angoulême destination Cannes Mandelieux. FL105 estimée 15 minutes, transpondeur 4500; pour transiter dans votre zone » « F(ox)-R(oméo)L(ima), transpondeur 7051, transite approuvé, rappelez pour débuter votre descente » « Transpondeur 7051, transite approuvé, rappelons pour débuter la descente, F(ox)-R(oméo)L(ima) »
On pourrait me prendre pour un fou d’avoir tenté cette aventure. Mais le fou est celui qui ne pense ou qui ne se prétend pas l’être!!! Car voici le résultat, en ce WE de janvier, par ce beau temps et par un coup de tête ; je suis en chemin… pour Cannes.
Mes mains étaient maintenant au niveau du capot moteur à caresser ses lignes fines et épurées.
Ah, je me re-voyais encore en train de faire cette pièce. Quelle difficulté. Une belle pièce en composite. Merci pour les moules qu’on m’a prêté pour la créer.
Je poursuivis le tour de l’appareil. J’arrivais maintenant au niveau des ailes. Belles et propres, sans tache, ni défaut. Elles pourront se venter de m’en avoir fait voir de toute les couleurs bien qu’elles soient tout ce qu’il y a de plus blanc !
Nous sommes maintenant en descente stabilisée et nous pouvons nettement observer le relief de la côte d’azur. Cannes est derrière la vallée, caché. Cette descente nous permet de nous réchauffer un peu… ah la côte d’azur et ses températures accueillantes :).
Je montais, un peu stressé. Comme le jour de mon baptême… enfin de mon lâché plutôt. Ça tombait bien, c’était aussi un lâché, bien que cela ne soit pas le miens mais celui de la machine. On a fait comme si c’était la première fois qu’il volait.
Toute la poésie, toute la sensualité se retrouve lorsque, pour la première fois je tourne la clé. Celle là même qui lâche les 50CV du moteur diesel dans la nature.
« Cannes de F(ox)-R(oméo)L(ima), au point Whisky-Lima » « F(ox)-R(oméo)L(ima), rappelez base main droite 17 » « Rappelons base main droite 17, F(ox)-R(oméo)L(ima) »
On voit maintenant la vallée qui s’ouvre sur la ville de Cannes et de son terrain VIP. Il y a un léger vent, mais l’Etoile se comporte bien. Je m’attends à de petites turbulences lorsque je serai en final. On se faufile parmi ce relief magnifique. Le Gaz’aile est vraiment fait pour voler, on se sent libre. Je le guide gentiment vers sa destinée. Je sens mon cœur battre un peu plus vite, mes muscles se raidissent et mon visage se crispe. « Quentin, ça va ? » « heuuu, oui. C’est que… c’est ma première fois… » lui répondis-je d’une main tremblante.
«F(ox)-R(oméo)L(ima) vous êtes numéro 1 pour la 17 » « num…num…numéro 1…17 »,
je m’aligne. Le Gaz’aile se laisse gentiment faire. Je redoute ce moment, je redoute la fin de cet instant magique… Je n’ai pas envi d’atterrir… Je sors machinalement 1 cran de volet. Je stabilise ma vitesse en descente. La piste s’approche. Le sol aussi. La trajectoire est plutôt bonne. 800Ft, mes mains commencent à devenir moites. 500Ft, elles se crispent sur le manche. Des goûtes descendent sur mon visage, pressées de se mettre à l’abri derrière mes habits. 300Ft, la fin est proche. Encore quelques secondes avant l’impacte. Tous mes muscles se raidissent. Mon ami commence à avoir peur. Mes yeux sont fixés vers l’infini, sans vie. Inconscient, peut être qu’ils cherchent un moyen de se libéré. 5… 4… 3… 2… Unnnn, les roues se rapprochent, la piste dévore petit à petit l’ombre de l’avion. Zéééé… Le monde s’arrête, la seconde devient heure, les battements cessent… Plus rien ne respire ; ni plante, ni même vous :. RIEN. C’est un arrêt sur image. On enregistre les derniers instants. On enregistre tout, car tout peu changer dans la seconde qui suit! Zéro! Instant de vérité derrière un écran noir, un évanouissement. Je ressens une douleur au front. Lentement, mais sûrement, j’ouvre mes paupière. Je laisse infiltré petit à petit la lumière. D’un noir ancre, je passe à une lumière aveuglante. Je suis perdu, où suis-je ? Je dénoue mes bras tout en redressant avec difficulté ma tête endoloris. J’émerge d’un rêve fabuleux avec tristesse, et je contemple cette liasse de plan du Gaz’aile 2 étalée sur mon bureau, devant moi.
Un rêve ?! Un rêve, en est-on si sûr ?
Excellent récit, Quentin.
Dommage que l’on ne puisse lire les yeux fermés, car je m’y serai cru, réellement.
La réalité de ton rêve est au bout de tes doigts, maintenant… Bonne chance 😉
Merci, ça fait plaisir. J’espère que ce récit ne restera pas que le récit d’un rêve 🙂
Ouahou ça avait l’air si réel que la meilleure explication à ça, cest bien le fait de l’avoir déjà ressenti dans une vie antérieure! 😉
Merci beaucoup Célyne 🙂
Super récit… je te souhaite de réaliser ton rêve (à une exception prêt, les ULM ne sont pas autorisés à LFMD)
Tant mieux :). Car c’est bien un avion que je compte construire (F-P :p).
Merci beaucoup Franck, je compte bien réussir. Tout commence par un tri et une organisation de la doc ^^
Magnifique récit, Quentin ! Je suis sûr que ton rêve se réalisera. 😉
Bonne continuation 🙂
Aéronautiquement,
Dorian.