Bloqué sur une île…

Pourquoi cet article

Cet article a deux objectifs: raconter une de mes aventures aéronautiques comme je le fais depuis maintenant quelques années. Et le plus important ici: faire un feedback (retour d’expérience).

Un feedback, passe par une analyse. En parcourant cet article, nous pourrons noter que c’est la succession de défaillances humaines, technologiques et de malchance qui conduira à cette mésaventure. Ne soyons pas surpris, c’est le schéma standard en aéronautique. Paradoxalement, c’est en croyant éviter une panne que je m’embarque dans cette aventure.

Cette analyse restera dans mes archives: mémoire de mon expérience. Je souhaite partager cette expérience acquise afin que d’autres puissent apprendre de mes erreurs.

L’erreur est humaine. Il faut apprendre de celle-ci.

Mais avant de découvrir l’analyse, laissez moi vous raconter cette journée du 21 juin, premier jour d’été.

Un horaire respecté

Cette aventure commence réellement 2 semaines avant le jour J, lorsqu’un couple me propose d’aller à l’Ile d’Yeu.

Nous sommes 3, dont deux qui veulent rester sur l’Ile pour le WE. Ayant 4 places, je propose donc à une amie de se joindre à moi.

Mathilde n’a jamais pris d’avion de tourisme, l’occasion pour elle de découvrir ce monde… et de passer une super journée sur une île paradisiaque.

La veille je passe au terrain pour préparer l’avion. Et le jour J, je suis sur place dès 7H45 pour réaliser les préparatifs de départ (prise météo, impression des divers éléments nécessaires au bon déroulement du vol). Précisons, que le couple désire vraiment profiter à fond de ce WE en amoureux, d’où cette heure matinale.

A 8H00 nous sommes tous arrivés et nos roues se libèrent du sol 30 minutes plus tard.

Une pression d’huile dans le coma?

Je leur fais découvrir la côte Atlantique en la longeant à partir de Rochefort. Nous profitons même de notre passage par Rochefort pour y voir l’Hermione à quai :).

Route suivie

Route suivie

Tout en navigant, je surveille mes paramètres moteur. Je remarque que la pression d’huile est relativement basse, mais totalement dans les tolérances et stable. La température quant à elle, est constante et normale. Plus je regarde la pression d’huile et plus j’ai un doute. Il y a des jours comme ça :p.

Mais après un vol sans histoire, nous voici atterris à l’Ile d’Yeu: il est 10H00.

Une super journée

Port-Joinville

Port-Joinville

Après la réception des vélos, nous voici partis pour une petite balade: direction la ville. Nous avons réussi à nous « perdre » bien que ça soit la dixième fois que je viens.

L’heure du déjeuner approche. Le lieu choisi pour l’agréable pique-nique: la jolie plage des sioux, au sud-est de l’île.

Ile d'Yeu - Plage

Ile d’Yeu – Plage

Après un repas bien complet et très agréable, direction la pierre tremblante en passant par des chemins que je n’avais pas encore explorés. Un paysage et une faune hors normes s’offrent à nos yeux: nous sommes vraiment dans une île paradisiaque, de paix et de tranquillité. J’ai l’impression d’être en vacances, ça fait du bien.

Un lieu que je voulais vraiment lui montrer, et où, en plus, j’étais sûr de rencontrer un ami pilote: le Port de la Meule.

Port de La Meule

Port de La Meule

C’est un super port situé dans une crique. Nous y sommes en quelques coup de pédale après avoir fait une petite halte au vieux château de l’ile.

Le début des emmerdes…

Nous voici enfin arrivés sur le terrain, il est aux alentours de 17H. Notre plan initial était de déposer nos affaires dans l’avion, rendre les vélos et continuer à nous balader dans les environs pendant 1h30.

912Slrg

Moteur Rotax 912, 100Cv

Mais avant de mettre ce plan à exécution, il y a toujours cette pression d’huile qui me turlupine. Je prends soin de vérifier le niveau. Notons que sur l’instant, j’ai oublié de brasser l’hélice. Cet oubli, va être l’élément déclencheur. La minute mécanique pour vous aider à comprendre ses conséquences:

l’avion est équipé d’un moteur ROTAX 912, ce moteur possède un carter sec. Et un carter sec a une particularité: il faut prendre le niveau lorsque le moteur est chaud, qu’il a tourné (d’ou le brassage de l’hélice). Cette manip’ va faire descendre l’huile dans le réservoir et le niveau pourra être pris.

« Un moteur à carter sec est un moteur sans huile (ou si peu). La réserve d’huile se trouve au-dessus du moteur. Quand vous vérifiez votre niveau d’huile, il s’agit du niveau de cette réserve. Il est donc important de faire cette vérification après avoir laissé tourner le moteur quelques minutes. Sans quoi, vous risquez de mettre trop d’huile et par conséquent d’engorger votre moteur. »_forummoto

Mais reprenons, je relève mon niveau d’huile. Je suis surpris de voir qu’il est à la limite basse de fonctionnement (limite basse acceptable). Naturellement, si vous avez compris la caractéristique d’un moteur à carter sec, vous n’allez pas être surpris par ce qui va suivre.

Sud de l'Ile, 20 minutes de l'aérodrome

Sud de l’Ile, 20 minutes de l’aérodrome

Dans tous les cas, nous pouvons repartir. Mais en même temps, ayant un bidon d’huile à disposition (après être allé le chercher au club de l’Ile d’Yeu), si je peux supprimer un doute…

Quoi qu’il en soit, l’huile n’est peut être pas compatible. J’appelle mon club pour être conseillé. En même temps, le pilote de l’avion voisin est mécano agréé, son ami aussi. Au club de l’Ile d’Yeu, ils me disent qu’il ne faut surtout pas laisser le moteur avec si peu d’huile (analyse faussée par des données d’entrée erronées).

17h30, en pleine conversation avec le club, mon téléphone coupe, les mécanos sont toujours avec moi. Je suis avec le bidon dans la main.

« – Où vas-tu?
– Angoulême.
– Tu peux sans problème avec ce niveau.
– En même temps, si maintenant, j’ai un bidon à disposition…
-… c’est mieux d’en ajouter. »

Reprenons les données du problème, nous avons:

  • un sentiment d’une pression d’huile basse (à ce moment là, je m’étais persuadé que ce n’était pas habituel)
  • Un relevé d’huile au minimum acceptable
  • un bidon d’huile compatible à la main
  • des pilotes de l’aéro-club argumentant pour compléter le niveau
  • des mécanos disant qu’il vaut mieux en ajouter
  • Contexte environnemental: fin de journée sportive, fatigue, totalement épuisé, et un peu stressé (conséquence de la fatigue, d’une mauvaise interprétation des paramètres, et à l’imagination d’une situation peu habituelle (niveau d’huile bas)).

Qu’auriez-vous fait? Il est important de vous remettre dans le contexte avant d’effectuer des critiques non constructives (souvent faites par des néophytes ne sortant pas de chez eux, soit dit en passant). Il y a toujours des personnes très fortes pour « critiquer », ou/et faire des leçons de moral sans prendre en compte les éléments extérieurs!

Mais reprenons le fil de mon histoire.

Avant de rajouter de l’huile, je me fais confirmer la procédure:

« c’est bien là où l’on prend le niveau que l’on rajoute de huile (pas comme sur les voitures?) »

« Oui. Attends, je vais te le faire. »

Une autre de mes erreurs fut de ne pas réussir à m’affirmer. En effet, il a commencé à verser et ce, malgré mon « stop » après quelques millilitres, il a continué à en mettre. Je voulais prendre un niveau intermédiaire… Comme je le fais lorsque je complète le niveau d’huile de ma voiture.

Il ne s’arrêtera que 700 mL plus tard… Là, je commençais à sentir un nouveau doute monter en moi. La procédure utilisée ne me plaisait pas beaucoup… Le moteur, il ne le connaissait pas forcement et il ajoute une « grosse » quantité au « pif ». Après tout, les réservoirs n’ont pas la même contenance et géométrie d’un avion à l’autre. Je ne laissais rien paraître de ma nouvelle inquiétude. Quoi qu’il en soit, après quelques aller/retour au club (payer l’huile…), je décide de reprendre le niveau… en brassant l’hélice cette fois ci :).

De l’huile à n’en plus finir

Des trésors de l'Ile... Non ce n'est pas de l'huile.

Des trésors de l’Ile… Non ce n’est pas de l’huile.

Comme je m’y attendais (en ayant prié pour que cela n’arrive pas)… ça déborde. Le niveau max est dépassé. Et là: nous avons un vrai problème!!

En faisant des aller/retour pour réfléchir aux solutions et prendre les conseils de personnes…

« Prends une seringue, on va récupérer l’excédent »

Problème de cette solution, c’est de posséder une seringue… Chance nous en avons une (enfin un pilote en a une). Mais malchance, l’embout est trop gros pour entrer dans l’orifice du réservoir.

Avec Mathilde, nous commencions à envisager des solutions rigolotes: la Mac Giver solution:

« Allons acheter des pailles à Auchan et aspirons l’huile en excès. »

Idée non stupide et envisageable (mais qui aspire pour amorcer?) :). Pour finir, on nous a fourni un bac et un tournevis. On nous dit que voler avec trop d’huile est vraiment irréalisable: il faut absolument retirer l’excédent, pas d’autre choix.

Je pose le bac dessous le moteur. J’aimerais appeler le mécano pour avoir son avis.


Et Dieu apparut…

Miracle, Dieu m’a entendu: à cet instant précis, Samuel; le deuxième mécano du club, m’appelle via le portable de ma copine. Bien m’en ai pris de lui avoir communiqué son numéro avant que mon téléphone ne lâche…

C’est un appel venant droit des cieux…

« Ne te lance surtout pas dans cette procédure, il existe une autre solution. »

LA BONNE NOUVELLE :D. Voici pour les utilisateurs de ROTAX, à carter à sec (vérifiez qu’un système d’éjection du trop plein existe), le trop plein d‘huile n’est pas forcément bloquant:

  • Effectuer 10 brassages de l’hélice (magnéto OFF, clé retirée au préalable)
  • Démarrer le moteur au ralenti
  • Laisser tourner 3′
  • Surveiller la pression et la température d’huile
  • si tout va bien, vous pouvez mettre quelques tours moteur (2000tr/min, 3000tr/min) sur les 2′ de temps qu’il reste. Vous n’êtes pas obligés de rester 5′.

Que va-t-il se passer?

Non, vous n'irez pas profiter de cette eau... Ca vole!

Non, vous n’irez pas profiter de cette eau… Ca vole!

Ces moteurs sont équipés de reniflard, un système qui va évacuer le surplus d’huile. Inconvénient: vous êtes bons pour un nettoyage intégral de l’appareil après le vol.

Procédure effectuée. Jean-Luc, un autre pilote du club était également présent. Nous avons discuté ensemble des paramètres pour un vol retour en patrouille (tant qu’à faire) :).

Niveau d’huile pris: il a baissé.

Ma fidèle passagère, qui a su garder sa bonne humeur et son humour diabolique tout au long de cette aventure, embarque avec ce sourire — Ah si vous pouviez le voir —. enfin ressaisissons-nous, nous ne sommes pas encore dans les airs, et Mathilde semble douter. Je n’arrive pas à la percer, mais une chose est sûre, elle doit se dire: « que peut-il encore nous arriver?! »

Après l’huile… Les volets

Cannes, ça vous parle? Encore ce problème. Les volets bloqués en position tout sorti. Néanmoins, rien de grave, le problème va être résolu en 10 minutes… Jean-Luc part récupérer les outils nécessaires au club de l’Ile d’Yeu… Mais lorsqu’il est sur le chemin du retour… Les volets remontent. Je vérifie leur bon fonctionnement: un cran… deux crans. Tout est opérationnel. Nous pouvons enfin partir. 19H45: nous laissons l’Ile d’Yeu derrière nous.

Un retour

Un peu d’appréhension mais une fois en l’air, tout va bien pour mon amie, enfin je crois et j’espère au plus profond de moi même que oui :).

Pour un premier vol, elle aura tout eu. J’espère sincèrement que cette journée ne lui aura pas laissé de mauvais souvenirs. J’espère pouvoir rattraper cette journée. J’ai espoir de la retrouver rapidement à mes côtés pour de nouvelles aventures :). Mais ça, laissons l’avenir nous le dire.

Ceci étant, nous nous sommes posés à 20H30 environ, après une petite heure de vol. Une fois posé, je finissais de faire les papiers (oups… merci Jean-Luc d’avoir embarqué le carnet de route, ça m’a bien fait stresser) et je me suis lancé dans la tâche ardue du nettoyage de l’avion: l’huile, c’est gras. Un coup avec du chiffon et de l’essence. Un prélèvement difficile, millilitre par millilitre, je suis allé chercher un truc infaillible: eau + liquide vaisselle :).

J’ai fini le nettoyage à 23H00 et j’ai pu enfin rentrer chez moi, et surtout manger. 00H40, journée enfin achevée, mais quelle journée! Malgré tout, j’en garderai de très bons souvenirs ;)…. Mais pour l’heure, se reposer absolument, demain réveil 6H00… Qui a dit que les WE sont reposants?


Que conclure de cette expérience?

Nous apprenons toujours de nos erreurs: voici après une analyse ce que je peux en conclure:

  • pour commencer, il est certain que je n’oublierai plus de brasser l’hélice.
  • Si les paramètres sont dans le vert: ils le sont et tout est bon, ne pas faire de fixation dessus (je ne sais pas pourquoi, mais c’était l’obsession du jour).
  • Avoir toujours le câble de charge du téléphone… C’est peut être « con », mais si à 17H30 ma batterie avait tenu, à 17H33 j’aurais reçu un appel qui m’aurait évité toute cette aventure.
  • Avoir un PAPIER avec le numéro du mécano du club (l’électronique c’est beau… mais ça lâche facilement là où nous en avons le plus besoin)
  • Se méfier des gens qui se prétendent mécanos, et des avis extérieurs.
  • Et surtout, avoir plus confiance en soi, s’affirmer plus.

Ce n’est pas parce qu’un inconnu se prétend mécano, qu’il faut forcément l’écouter et suivre ses instructions à la lettre… rester méfiant, au club, j’ai eu vraiment tous les avis.

Je tenais à remercier vivement David mécano salarié et Sam’ mécano bénévole pour l’aide qu’ils m’ont apportée. Je voulais également remercier toutes les personnes qui ont pu m’aider ou cru m’aider… C’est aussi ça le milieu aéronautique: une solidarité! Merci aussi à Jean-Yves et Alexandre, qui m’ont dit… juste un peu trop tard qu’il ne fallait pas rajouter d’huile. Mais leur conseil était avisé, et surtout merci pour le petit cours  sur le fonctionnement de ce moteur. Merci à Jean-Luc, pour ton aide et ton soutien. Mais surtout, Mathilde, merci pour ta patience, ta bonne humeur et ta compréhension. Tu es une fille géniale!

Et le dernier mot pour la fin: ATCHOUUUUM!

(comprenne qui pourra :D).

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